novembre 28, 2008

À qui appartient la nature?

Pouvoir des grandes sociétés et ultime frontière de la marchandisation du vivant
Communiqué number: 
100

Problèmes, obsessions et occasions : une préface

Il y a trente ans, l’humanité avait un problème; la science avait une obsession; et l’industrie tenait une occasion. Notre problème était l’injustice. Les rangs des affamés ne cessaient de grossir et les rangs des agriculteurs, de s’affaiblir. De son côté, la science était obsédée par la biotechnologie – la possibilité de modifier génétiquement les cultures et le bétail (et l’être humain) pour les doter de traits qui allaient régler tous nos problèmes. L’industrie agroalimentaire tenait l’occasion de prélever l’énorme valeur ajoutée tout au long de la chaîne alimentaire. Le système alimentaire décentralisé à l’extrême offrait des occasions de profit qui ne demandaient qu’à être centralisées. Il suffisait de convaincre l’État que la révolution génétique de la biotech pouvait régler la faim dans le monde sans nuire à l’environnement. La biotechnologie était bien trop risquée pour être confiée à la petite entreprise et bien trop chère pour la recherche publique! Pour que le monde puisse profiter des bienfaits de cette technologie, les sélectionneurs publics devaient cesser de concurrencer les sélectionneurs privés et les autorités réglementaires devaient fermer les yeux quand les gros fabricants de pesticides achetaient des semencières qui, à leur tour, achetaient d’autres semencières. L’État devait ensuite protéger l’investissement de l’industrie en accordant des brevets d’abord sur les végétaux, puis sur les gènes. Les normes de protection des consommateurs, fruits d’un siècle de luttes acharnées, devaient laisser passer les aliments et médicaments génétiquement modifiés. L’industrie a obtenu ce qu’elle voulait. Il y a trente ans, des milliers de semencières et d’organismes publics s’occupaient de la sélection des végétaux. De nos jours, dix grandes sociétés contrôlent plus des deux tiers des ventes mondiales de semences exclusives. Des douzaines de fabricants de pesticides existaient il y a trente ans, alors qu’aujourd’hui, dix fabricants réalisent près de 90 % des ventes de produits agrochimiques dans le monde. Il y avait près d’un millier de biotech en démarrage il y a quinze ans et aujourd’hui, dix sociétés empochent les trois quarts des revenus de l’industrie. Et six grands de l’industrie des semences sont aussi six grands de l’industrie des pesticides et de la biotech. En trente ans, une poignée de grandes sociétés a acquis le contrôle du quart de la biomasse mondiale (cultures, bétail, pêcheries, etc.) intégrée chaque année dans l’économie du marché mondial.

De nos jours, l’humanité a un problème; la science a une obsession; et l’industrie tient une occasion. Notre problème est la faim et l’injustice dans un monde frappé par les bouleversements climatiques. La science est obsédée par la convergence à l’échelle nano – y compris la possibilité de créer de nouvelles formes de vie à partir des éléments de base. L’industrie tient l’occasion de s’emparer des trois quarts de la biomasse mondiale non encore intégrée à l’économie du marché mondial (même si elle est déjà utile et utilisée). Grâce aux nouvelles technologies, l’industrie croit que tout produit chimique à base de carbone tiré des combustibles fossiles peut être fabriqué à partir du carbone végétal. Les algues de l’océan, les arbres de l’Amazonie et les graminées des savanes peuvent fournir les matières brutes (censément) renouvelables qui permettront de nourrir les gens, faire rouler les voitures, fabriquer des bidules et guérir les maladies, en plus de contrer le réchauffement de la planète. Pour que l’industrie puisse réaliser cette vision, il faut que l’État soit convaincu que cette technologie dépasse ses moyens financiers. Il faut que les concurrents soient convaincus qu’elle est trop risquée. Et il faut abolir la réglementation et approuver les brevets
de monopole.

Pas plus que la biotechnologie, les nouvelles technologies n’ont besoin de prouver leur utilité sociale ou leur supériorité technique (elles n’ont pas besoin de fonctionner) pour être lucratives. Il faut seulement qu’elles chassent la concurrence et forcent l’État à céder le contrôle. Une fois le marché monopolisé, les véritables résultats de la technologie n’ont plus la moindre importance.

Pour lire le rapport complet, téléchargez le pdf ci-dessous.

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